La Tribune jeudi 17 juin 1999,Karine Tremblay, Sherbrooke
Jim et Bertrand... 20 ans plus tard
    Déjà 20 ans qu'ils ont franchi le carrefour des chemins, mettant fin au duo Jim et Bertrand qu'ils formaient depuis sept printemps.  Chacun de leur côté, Jim Corcoran et Bertrand Gosselin ont depuis expérimenté divers sillons artistiques et avancé sur leur pente musicale respective, mais tous deux n'ont visiblement pas oublié leurs premières années de métier.
    Ce midi de juin sonne l'heure des retrouvailles.  Avec elle, les souvenirs remués et les sourires qui les accompagnent:  pour la première fois depuis l'époque de Jim et Bertrand, les deux musiciens posent à nouveau ensemble pour la caméra et évoquent de concert les souvenirs qu'ils partagent de leur "adolescence musicale", telle qu'ils qualifient cette saison de leur vie.
    "Une saison magique où on travaille beaucoup, mais en parfaite symbiose", exprime Bertrand Gosselin.
    "Un moment heureux où nous prenions plaisirs à jouer notre musique", ajoute Jim Corcoran.
    Les souvenirs des deux hommes se superposent, tandis que leurs regards, un instant, s'attardent sur des photos de l'époque qui fleurent le parfum des années 1970.
    "Tu ressembles à Raël, là-dessus, Bertrand!"
    Avec éclats de rire et regards entendus, les deux hommes évoquent une période d'effervescence bouillonnante, se rappellent le plasir qu'ils ont eu à promener leurs compositions dans le réseau de la francophonie, racontent quelques anecdotes et sourient à ce passé dans lequel ils replongent ensemble, pour la toute première fois depuis leur séparation, à l'occasion de la réédition de l'album La tête en gigue chez Audiogram.
    "On s'est reparlé quelques fois au téléphone, mais depuis notre tournée d'adieu, en 1979, c'est la première fois qu'on se retrouve pour jaser du duo que nous formions.  C'est aussi la première photo qu'on prend de nous deux ensemble depuis!", affirment les musiciens, tous deux originaire des Cantons de l'Est.



La Tribune samedi 19 juin 1999,Karine Tremblay, Sherbrooke
20 ans... aucune poussière - La réédition de l'album La Tête en gigue donne lieu à de joyeuses retrouvailles entre Jim et Bertrand
    Sur la table, des photos s'étalent et murmurent...  Trésors témoins d'une autre époque, elles racontent ces deux jeunes musiciens dans la vingtaine, cheveux long et guitare à la paluche, aval musical au coeur et aventuriers sur des allées d'une musique québecoise en friche...
    Sur la table, les photos s'étalent et murmurent...  Depuis le restaurant où ils se trouvent (et se retrouve), Jim Corcoran et Bertrand Gosselin jettent un oeil sur les clichés, posent leur regard sur ceux qu'ils sont devenus.
    Déjà 20 ans que les deux Estriens de naissance ont franchi le carrefour des chemins, mettant fin au duo Jim et Bertrand qu'ils formaient depuis sept printemps et bifurquant chacun de leur côté vers de nouvelles avenues.  Déjà 20 ans, mais une pleine valise de souvenirs dans la tête et dans le coeur.
    Côte à côte, comme de bons vieux amis, se racontent des histoires de vie.  Bougie s'allume et poème s'écrit, chantait le duo dans Miroir d'hiver, sur l'album La tête en gigue, paru en 1977 et rééditer depuis peu chez Audiogram.
    Leur rencontre, la toute première, s'est faite fortuite.
    Pour la relater, il leur faut remonter l'horloge du temps en 1972, alors qu'un ami, Michel Aubin, dit Caïus, invite Jim Corcoran à se produire à la clinique de désintoxication l'Odyssée, rue Laurier à Sherbrooke, où il organise des spectacles les vendredis.  Avant d'accepter, le musicien désire voir la scène en question.  Il s'y rend donc et y voit le show de... Bertrand Gosselin.
    "J'ai trouvé ça bon et j'étais allé le lui dire après la représentation.  C'était rare, à l'époque, qu'un musicien s'accompagne d'une guitare classique, encore plus de façon dont Bertrand en jouait, comme s'il avait une base entre les mains", se souvient Jim Corcoran.
    Le vendredi suivant, inversion des rôles:  Corcoran est sur scène tandis que Gosselin l'applaudit dans la salle.
    Puis l'invitation leur est lancée, à tous deux, de participer à une soirée de poésie.  Ils préparent un numéro ensemble, sans se douter qu'ils feront route musicale commune pendant les sept années suivantes.

D'antagonismes et de magie
    Tous les deux dans la jeune vingtaine, les deux musiciens n'étaient pourtant pas de même souche.  Bertrand Gosselin se disait un enfant des Beatles, tandis que Jim Corcoran détestait le groupe, imprégné qu'il était des musiques folk, blues et jazz.
    "C'était un peu les gens qui nous ont incités à faire équipe:  partout, on ne nous invitait plus l'un sans l'autre", dit Jim Corcoran.
    "Et puis il y avait une espèce de magie antre nous deux, une symbiose musicale drôlement stimulante", renchérit Bertrand Gosselin.
    Un à la suite de l'autre, les événements s'emboîtent, racontés avec verve par les deux musiciens qui font revivre une époque aux oreilles de celle qui, à ce moment, n'était pas encore née, mais qui a tant de fois entendu leurs albums sur le tourne-disque familial...
    "Notre musique semble sans âge, elle vieillit bien", opine Bertrand Gosselin.
    "Un jour, une jeune fille m'a fait remarquer que nos disques étaient ceux qui incluaient les enfants.  Notre musique n'appartenait pas seulement aux parents, mais à toute la famille", enchaîne Jim Corcoran.
    Il reste que si les notes de leurs airs folk s'éprègnent joyeuses, la musique teintée Jim et Bertrand abonde de nuances rythmiques riches et recherchées, tant sur le plan des harmonies vocales que celui de l'euphorie instrumentale.
    De fait, Jim et Bertrand avouent qu'ils prenaient un soin fou à ciseler chacune de leurs pièces, se gardant tout de même un brin de folie à vivre sur scène, où règnait le naturel et la complicité.
    "On sautait sans filet, pour ainsi dire.  On était d'une naïveté et d'un naturel sur scène qui plaisaient probablement à l'auditoire", souligne Bertrand Gosselin.
    "On nous a jamais accusés d'être ambitieux ; ce que nous faisions était éminement sympathique.  On avait un pied dans le show-biz, et un pied à l'extérieur.  On aimait jouer, tout simplement", complète Jim Corcoran.
    Originaux dans le ton et dans le son, les deux acolytes musiciens, tout naturellement, ont ouvert de nouveaux sentiers avec leur musique folk ensoleillée, qu'ils ont bourliguée partout à travers le Québec avant d'embrasser des horizons plus larges.
    "Avant nous, les scènes québecoises recevaient surtout des orchestres qui jouaient  des traductions.  On est arrivé avec une autre approche, propre à nous", conte Bertrand Gosselin.

La consécration
    C'est sur la scène du Café du Quai de Magog que le réalisateur René Letarte les a remarqués et leur a ouvert la porte des studios.  Les deux musiciens sortent alors un premier album, en 1973, Jim Corcoran et Bertrand Gosselin, sur laquelle apparaît leur premier succès, Comme Chartrand.
    Un second disque, Île d'entrée, parait ensuite, mais c'est avec leur troisième production, La tête en gigue, que le tandem s'impose vraiment et reçoit, en 1978, la très grande distinction du meilleur disque folk au réputé Festival de jazz de Montreux, en Suisse, où quelque 400 albums sont en compétition.
    Dès lors, c'est la consécration.
    Montréal, la difficile métropole jusque-là fermée, imite le reste du Québec et s'ouvre à Jim et Bertrand, qui sont également invités partout dans le réseau de la francophonie.  Les deux musiciens voyagent ansi d'une ville à l'autre des deux côtés de l'océan, leur album comme une carte de visite qui transcende non seulement les frontières mais aussi le temps...
    Ceci parce que l'album La tête en gigue, réédité, sera disponible en magasin dès mardi 22 juin, 20 ans après que le duo se soit séparé, en 1979, à la suite de la parution d'un quatrième album, À l'abri de la tempête.
    Source de grand plaisir pour les deux musiciens, cette réédition est aussi l'occasion de se retremper plus avant dans la genèse de La tête en gigue.
    "Ça fait longtemps, mais j'ai quand même des souvenirs très précis des moments passés en studio", souligne Jim Corcoran, qui se rappelle très bien avoir eu, au départ, de la difficulté avec la technique du studio : "Je trouvais ça malhonnête de faire du repiquage sur des chansons."
    Éclats des rires et souvenirs entremêlés narreront ensuite les anectotes entourant la création des chansons.  Il sera question, entre autres, de Welcome soleil (une grosse peine d'amour vécue aux Îles de la Madelaine camouflées sous une musique aux dehors allègres), de Folie d'hier (une envolée instrumentale composée un certain soir et baptisée ainsi le lendemain), de Ce matin sans hésiter (une pièce où respire le rythme vocal "kanadiskan" de la Bretagne).
    La qualité sonore, du reste, est  impeccable.  Depuis le temps qu'on attendait l'album (paraît-il que c'était le chaînon manquant des rééditions des années 70...), les deux artistes se sont assurés d'en faire un produit doux aux oreilles des audiophiles.
    "La tête en gigue avait été enregistré avec une équipe formidable, à l'aide des technologies de pointe de l'époque", mentionnent les deux musiciens, qui évoquent au passage la mémoire des gens de qualité qu'ils ont côtoyés, Richard Grégoire et Gilles Talbot, notamment.
    Quant à savoir si les autres créations du duo auront eux aussi droit à une seconde vie...
    Peut-être que oui, laisse-t-on planer, mais chose certaine, le goût et l'enthousiasme sont là.



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