D'antagonismes et de magie
Tous les deux
dans la jeune vingtaine, les deux musiciens n'étaient pourtant pas
de même souche. Bertrand Gosselin se disait un enfant des Beatles,
tandis que Jim Corcoran détestait le groupe, imprégné
qu'il était des musiques folk, blues et jazz.
"C'était
un peu les gens qui nous ont incités à faire équipe:
partout, on ne nous invitait plus l'un sans l'autre", dit Jim Corcoran.
"Et puis il y
avait une espèce de magie antre nous deux, une symbiose musicale
drôlement stimulante", renchérit Bertrand Gosselin.
Un à la
suite de l'autre, les événements s'emboîtent, racontés
avec verve par les deux musiciens qui font revivre une époque aux
oreilles de celle qui, à ce moment, n'était pas encore née,
mais qui a tant de fois entendu leurs albums sur le tourne-disque familial...
"Notre musique
semble sans âge, elle vieillit bien", opine Bertrand Gosselin.
"Un jour, une
jeune fille m'a fait remarquer que nos disques étaient ceux qui
incluaient
les enfants. Notre musique n'appartenait pas seulement aux parents,
mais à toute la famille", enchaîne Jim Corcoran.
Il reste que
si les notes de leurs airs folk s'éprègnent joyeuses, la
musique teintée Jim et Bertrand abonde de nuances rythmiques riches
et recherchées, tant sur le plan des harmonies vocales que celui
de l'euphorie instrumentale.
De fait, Jim
et Bertrand avouent qu'ils prenaient un soin fou à ciseler chacune
de leurs pièces, se gardant tout de même un brin de folie
à vivre sur scène, où règnait le naturel et
la complicité.
"On sautait sans
filet, pour ainsi dire. On était d'une naïveté
et d'un naturel sur scène qui plaisaient probablement à l'auditoire",
souligne Bertrand Gosselin.
"On nous a jamais
accusés d'être ambitieux ; ce que nous faisions était
éminement sympathique. On avait un pied dans le show-biz,
et un pied à l'extérieur. On aimait jouer, tout simplement",
complète Jim Corcoran.
Originaux dans
le ton et dans le son, les deux acolytes musiciens, tout naturellement,
ont ouvert de nouveaux sentiers avec leur musique folk ensoleillée,
qu'ils ont bourliguée partout à travers le Québec
avant d'embrasser des horizons plus larges.
"Avant nous,
les scènes québecoises recevaient surtout des orchestres
qui jouaient des traductions. On est arrivé avec une
autre approche, propre à nous", conte Bertrand Gosselin.
La consécration
C'est sur la
scène du Café du Quai de Magog que le réalisateur
René Letarte les a remarqués et leur a ouvert la porte des
studios. Les deux musiciens sortent alors un premier album, en 1973,
Jim
Corcoran et Bertrand Gosselin, sur laquelle apparaît leur premier
succès, Comme Chartrand.
Un second disque,
Île
d'entrée, parait ensuite, mais c'est avec leur troisième
production, La tête en gigue, que le tandem s'impose vraiment
et reçoit, en 1978, la très grande distinction du meilleur
disque folk au réputé Festival de jazz de Montreux, en Suisse,
où quelque 400 albums sont en compétition.
Dès lors,
c'est la consécration.
Montréal,
la difficile métropole jusque-là fermée, imite le
reste du Québec et s'ouvre à Jim et Bertrand, qui sont également
invités partout dans le réseau de la francophonie.
Les deux musiciens voyagent ansi d'une ville à l'autre des deux
côtés de l'océan, leur album comme une carte de visite
qui transcende non seulement les frontières mais aussi le temps...
Ceci parce que
l'album La tête en gigue, réédité, sera
disponible en magasin dès mardi 22 juin, 20 ans après que
le duo se soit séparé, en 1979, à la suite de la parution
d'un quatrième album, À l'abri de la tempête.
Source de grand
plaisir pour les deux musiciens, cette réédition est aussi
l'occasion de se retremper plus avant dans la genèse de La tête
en gigue.
"Ça fait
longtemps, mais j'ai quand même des souvenirs très précis
des moments passés en studio", souligne Jim Corcoran, qui se rappelle
très bien avoir eu, au départ, de la difficulté avec
la technique du studio : "Je trouvais ça malhonnête de faire
du repiquage sur des chansons."
Éclats
des rires et souvenirs entremêlés narreront ensuite les anectotes
entourant la création des chansons. Il sera question, entre
autres, de Welcome soleil (une grosse peine d'amour vécue
aux Îles de la Madelaine camouflées sous une musique aux dehors
allègres), de Folie d'hier (une envolée instrumentale
composée un certain soir et baptisée ainsi le lendemain),
de Ce matin sans hésiter (une pièce où respire
le rythme vocal "kanadiskan" de la Bretagne).
La qualité
sonore, du reste, est impeccable. Depuis le temps qu'on attendait
l'album (paraît-il que c'était le chaînon manquant des
rééditions des années 70...), les deux artistes se
sont assurés d'en faire un produit doux aux oreilles des audiophiles.
"La tête
en gigue avait été enregistré avec une équipe
formidable, à l'aide des technologies de pointe de l'époque",
mentionnent les deux musiciens, qui évoquent au passage la mémoire
des gens de qualité qu'ils ont côtoyés, Richard Grégoire
et Gilles Talbot, notamment.
Quant à
savoir si les autres créations du duo auront eux aussi droit à
une seconde vie...
Peut-être
que oui, laisse-t-on planer, mais chose certaine, le goût et l'enthousiasme
sont là.
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